Quand l’électronique devient un levier d’insertion
Et si l’électronique devenait un outil au service de l’inclusion professionnelle ?
C’est le pari engagé par AMIPI Industrie, en lançant en 2023 un nouveau pôle de production électronique dans son usine de Cholet. Pour former ses équipes à ce nouveau savoir-faire, elle a fait appel à We Network, centre technique industriel spécialisé dans l’électronique.
AMIPI Industrie est une entreprise et une fondation reconnue d’utilité publique qui emploie des personnes en situation de handicap cognitif et a pour mission de les accompagner vers une insertion durable en entreprise classique. Elle gère plusieurs usines en France, réparties à Cholet, Nantes, Angers, Tours, Le Mans et Blois, sous le statut d’entreprises adaptées.
Ensemble, AMIPI et We Network ont co-construit un parcours de formation adapté, combinant exigences industrielles et pédagogie différenciée. Ce partenariat illustre les conditions concrètes qui permettent à des opérateurs éloignés de l’emploi de se former à un métier technique, et à une entreprise adaptée de monter en compétences sur une nouvelle filière industrielle.
Dans cette interview, les différents protagonistes (responsables, formateurs, opérateurs) racontent cette aventure collective. Du besoin initial à l’acquisition des compétences, en passant par l’adaptation des méthodes pédagogiques, ils partagent leur retour d’expérience et les enseignements de cette collaboration.
🎥 Découvrez la vidéo complète retraçant notre accompagnement ci-dessous. Pour celles et ceux qui ne peuvent pas la visionner — ou qui préfèrent le format écrit — nous en proposons également une retranscription sous forme d’article de blog. 👇
📈 L’émergence de l’activité électronique chez AMIPI : concilier exigence industrielle et inclusion
À l’origine du projet, un double constat : la volonté de diversifier les activités productives d’AMIPI et le besoin d’acquérir les qualifications pour répondre aux standards exigés par les acteurs de l’électronique.
Comme le résume Romain Morillon, adjoint à la transformation d’AMIPI :
« Lorsqu’on a contacté We Network, on était au tout début de notre activité d’électronique. On venait juste de lancer une activité de remise en bande de composants dans notre ancien site de Cholet. On partait vraiment de zéro. »
Cela impliquait de se former aux normes, aux gestes techniques et aux spécificités d’un environnement de production sensible.
« Nos besoins et nos enjeux, à ce moment-là, étaient d’acquérir les standards et les qualifications nécessaires pour la remise en bande, pour notre nouvelle zone ESD et pour le brasage manuel », précise Romain Morillon.
« On a notamment passé une certification IPC-A-610. »
Mais au-delà de l’aspect technique, le projet répondait à une ambition sociale : offrir aux opérateurs d’AMIPI l’opportunité d’apprendre un nouveau métier, porteur de sens et de débouchés. Comme le souligne Vahé Barseghyan, responsable du pôle électronique à Cholet :
« Le but, c’est d’embaucher des personnes en situation de handicap, de les faire progresser par le travail, et de les insérer dans le milieu dit « ordinaire ». »
Pour y parvenir, AMIPI devait trouver un partenaire capable de transmettre les compétences industrielles tout en tenant compte des besoins spécifiques de ses salariés.
🎓 Un parcours de formation sur-mesure, pensé pour un public atypique
Pour répondre au besoin exprimé par AMIPI, We Network a conçu un parcours de formation progressif, alliant apprentissages techniques, accompagnement de terrain et adaptation pédagogique.
Ana Loizeau, responsable de formation chez We Network, détaille l’approche mise en place :
« Nous avons commencé avec une formation de cinq jours sur site, pour transmettre les bases de l’électronique et les premiers gestes. Ensuite, des sessions hebdomadaires de travaux pratiques ont été mises en place pour renforcer l’apprentissage, et des sessions mensuelles, à la fois théoriques et pratiques, ont permis de consolider les compétences. »
Ce dispositif, déployé sur six mois pour deux groupes distincts, visait à installer durablement les bons gestes et à faire monter les opérateurs en compétence, en cohérence avec les exigences du secteur électronique.
Mais au-delà du contenu technique, c’est la méthode de transmission qui a été repensée. Pour la première fois, We Network a dû adapter ses outils pédagogiques à un public présentant des troubles cognitifs.
« Ce que nous avons dû adapter, qui était tout nouveau pour nous, c’était l’approche et la méthode : plus de visuels, moins de textes, plus de répétitions. Il fallait que la formation soit accessible à un public avec handicap cognitif », explique Ana Loizeau. « Notre objectif final, c’était que les opérateurs aient les niveaux de compétences requis par l’industrie. »
Ce travail d’adaptation a été mené main dans la main avec les équipes d’AMIPI, dans un esprit de co-construction. Une attention particulière a été portée au rythme des apprenants, à la simplification des supports et à l’individualisation du suivi.
✍️ L’électronique, un levier de développement des capacités psychogestuelles et d’adaptation
Chez AMIPI, chaque activité industrielle est soigneusement sélectionnée pour sa capacité à stimuler ce que l’on appelle les « capacités psychogestuelles » des opérateurs : coordination, attention, mémoire, précision… L’activité de mise en bande et de brasage manuel répond pleinement à cette logique.
Aurélie Viard, formatrice interne à AMIPI, explique :
« Chaque poste de travail est pensé pour développer ces capacités psychogestuelles, mais aussi des compétences liées au monde professionnel comme l’autocontrôle, le respect des normes qualité ou le travail en équipe. »
L’électronique, avec ses exigences de précision, de rigueur et de concentration, représente un terrain d’apprentissage particulièrement riche.
« Par exemple, la dextérité – la capacité à manipuler de tout petits composants – est encore plus sollicitée ici que dans le câblage. Pareil pour la coordination œil-main, essentielle en brasage. »
En plus du développement technique, ces nouvelles activités renforcent la capacité des opérateurs à s’adapter à des environnements variés, à intégrer de nouveaux gestes, à travailler en autonomie.
« Cette dynamique constante d’apprentissage est essentielle pour préparer une insertion réussie en entreprise classique », souligne Aurélie Viard.
« Ce sont ces nouvelles sollicitations, ces apprentissages répétés, qui permettent un réel développement cognitif. »
En d’autres termes, l’électronique ne se résume pas à un nouveau secteur d’activité : c’est un véritable outil de développement personnel et professionnel, pensé comme un tremplin vers l’autonomie.
💬 Trois regards, un même constat : une montée en compétences réussie
Au fil des mois, la mise en place du parcours électronique a permis aux équipes de constater des évolutions concrètes, tant sur le plan des compétences que de la motivation.
🧑🎓 Côté encadrement, Aurélie Viard, formatrice chez AMIPI, a suivi la formation aux côtés des opérateurs :
« Ce qui nous a marqués, c’est la capacité d’adaptation des intervenants de We Network. Ils ont su ajuster en continu leurs contenus en fonction du niveau des opérateurs, mais aussi de nos questions, à nous encadrants. »
« Cela nous a permis de penser la suite, d’envisager la création de nos propres modules internes, basés sur ce que nous avons appris. »
🤝 Vahé Barseghyan, responsable du pôle électronique, insiste sur l’importance de cette continuité pédagogique :
« Aujourd’hui, même après la formation, on sait qu’on peut toujours compter sur vous. L’équipe a beaucoup apprécié la pédagogie. »
« Ça donne du sens à nos opérateurs. Ils sont super contents et heureux de se retrouver au pôle électronique. »
🔬 Du côté des opérateurs, le retour est tout aussi positif. Amélie, qui a rejoint la zone électronique en 2023, témoigne simplement :
« Ici, je me sens bien, je suis dans mon élément. Je suis dans ma bulle. »
« J’aime beaucoup la mise en bande. Le brasage aussi, même si c’est parfois plus compliqué, selon les composants. »
Cet accompagnement a permis à AMIPI de gagner en autonomie : les encadrants sont désormais en mesure de suivre les progrès des opérateurs, de maintenir leur niveau de compétence, et de préparer une future transmission en interne.
Ce sentiment d’épanouissement dans le travail, souvent exprimé avec pudeur, reflète l’impact concret de ce parcours : une montée en compétence progressive, ancrée dans une activité valorisante, structurée, et reconnue.
🤝 Une collaboration basée sur la proximité, la confiance et l’adaptation
Si la collaboration entre AMIPI et We Network a porté ses fruits, c’est avant tout parce qu’elle a reposé sur des principes de proximité, de confiance et d’adaptation mutuelle.
Romain Morillon identifie d’abord un élément fondamental : la dimension territoriale.
« L’un des facteurs clés, c’est la disponibilité et la proximité de We Network. Être dans le même bassin, ça a permis aux formateurs de venir facilement sur site, et à nos opérateurs de se former dans leur environnement. »
Cette proximité a favorisé un dialogue permanent, bien au-delà des sessions prévues.
« On a toujours gardé cette relation simple et directe. On peut appeler ou envoyer un mail, et on a rapidement une réponse à nos questions techniques. »
Mais ce qui ressort aussi, c’est l’engagement des deux parties à ajuster leurs pratiques :
Côté We Network, il a fallu sortir d’un cadre de formation classique pour construire des outils adaptés à un public présentant des troubles cognitifs.
Côté AMIPI, les encadrants se sont mobilisés pour intégrer les apprentissages dans leur quotidien, et pour capitaliser sur cette expérience afin de devenir autonomes.
« Vos formateurs nous ont donné les clés pour savoir sur quels points suivre nos opérateurs, comment maintenir leur niveau et les faire progresser », souligne Aurélie Viard. « Et aujourd’hui, on reprend le flambeau. »
Cette co-responsabilité dans la montée en compétences, associée à un accompagnement pédagogique individualisé, constitue l’un des piliers de la réussite du projet.
📝 De la formation à l’autonomie : quand le niveau d’exigence acquis par AMIPI se pérennise
Au-delà du projet de formation initial, l’un des enjeux majeurs pour AMIPI était de pouvoir pérenniser les compétences acquises et de les inscrire dans une dynamique continue de progression.
Depuis la fin de l’accompagnement de We Network, les équipes ont intégré les contenus de formation à leurs pratiques quotidiennes.
« On veille à maintenir le niveau de compétence acquis pendant la formation. On s’appuie encore sur les supports et les méthodes vues avec vos intervenants pour reprendre certains points avec les opérateurs. »
Les encadrants ont ainsi développé leur propre capacité à évaluer, ajuster et prolonger les apprentissages. Ce transfert de savoirs était l’un des objectifs implicites du projet avec We Network.
« La volonté d’AMIPI, c’est de créer ses propres formations internes en électronique. On a démarré avec vous, mais l’idée, c’est de pouvoir reformer une personne issue du câblage, en autonomie », poursuit Aurélie Viard.
« On a même commencé à créer nos propres supports, comme un petit jeu de cartes pédagogique, co-conçu avec l’une de vos intervenantes. »
Côté production, les compétences acquises ont été rapidement mises en œuvre : les opérateurs travaillent désormais sur des activités concrètes, comme la mise en bande de composants et le brasage manuel, dans un espace dédié à l’électronique récemment agrandi.
« Aujourd’hui, on a une belle zone ESD dans notre usine de Cholet, avec cinq tables de mise en bande et cinq postes de brasage », précise Romain Morillon. « Une dizaine de personnes y travaillent chaque jour. »
Ainsi, la formation a permis non seulement une montée en compétence, mais aussi une évolution structurelle de l’outil de production et des pratiques d’encadrement au sein d’AMIPI. Vahé Barseghyan le résume ainsi :
« Grâce à ce partenariat, on est montés en compétences… et on espère bientôt monter en puissance. »
🔜 Next steps pour AMIPI : poursuivre le développement de l’activité électronique au service des industriels du territoire
Fort du succès de cette première phase, AMIPI envisage désormais l’avenir avec ambition. L’objectif est clair : renforcer son activité dans l’électronique et consolider sa position dans la chaîne de valeur industrielle.
« Nos perspectives aujourd’hui, c’est de renforcer notre activité sur la remise en bande et le brasage manuel, et de nous ouvrir progressivement à de nouvelles choses », explique Romain Morillon. « On commence à faire un peu d’assemblage de produits électroniques pour des startups et PME, et on aimerait aussi ajouter un volet programmation de composants. »
L’ancrage local est un atout essentiel dans cette dynamique. AMIPI collabore avec plusieurs industriels du territoire : notamment Tronico et Lacroix Electronics, des acteurs qui bénéficient aujourd’hui des prestations de qualité et des prix compétitifs proposé par AMIPI.
« La proximité, c’est notre force. Elle nous permet de répondre vite, d’adapter nos prestations et de maintenir un haut niveau de qualité. »
Mais au-delà de la réactivité, travailler avec AMIPI s’inscrit aussi dans une démarche d’impact. A la fois fondation reconnue d’utilité publique et entreprise adaptée, AMIPI permet à ses clients d’agir concrètement pour l’emploi des personnes en situation de handicap.
« En travaillant avec AMIPI, nos clients s’engagent dans la fabrication en France, dans la réindustrialisation du territoire » souligne Romain Morillon. « C’est aussi une façon de répondre à leurs obligations d’emploi via la contribution AGEFIPH et de concrétiser leur démarche RSE. »
💡 Ce que ce projet nous enseigne : concilier performance industrielle et responsabilité sociale est possible
L’expérience menée entre AMIPI et We Network montre qu’il est possible de concilier performance industrielle et responsabilité sociale, en s’appuyant sur un accompagnement pédagogique adapté, un ancrage territorial fort, et une vision partagée de l’insertion par le travail.
Il démontre que l’électronique, secteur d’expertise, peut devenir un véritable vecteur d’inclusion.
Vous êtes une entreprise de l’électronique, et vous avez des projets de mise en bobine, brasage ou intégration en salle ESD ?
Vous êtes un acteur de la formation ou de l’emploi, et vous souhaitez en savoir plus sur ce projet, échanger sur les bonnes pratiques ou construire un partenariat similaire ?
« Ce que nous avons dû adapter, qui était tout nouveau pour nous, c’était l’approche et la méthode : plus de visuels, moins de textes, plus de répétitions. Il fallait que la formation soit accessible à un public avec handicap cognitif », explique Ana Loizeau.
