Une filière ancrée et structurée dans le Grand Ouest 🕰️
Pourquoi parler d’électronique à Rennes, au salon Ouest Industries ? Parce que la Bretagne et plus largement le Grand Ouest constituent un territoire historiquement fort en électronique industrielle. « L’électronique existe depuis longtemps en France, et particulièrement dans l’Ouest. Il faut le faire savoir, collectivement » affirme Laurent Aguenier.
Historiquement nourrie par la présence de groupes comme Alcatel, Sagem ou France Télécom, la Bretagne a su capitaliser sur cet héritage pour maintenir un tissu industriel dense, allant de la start-up à l’ETI, en passant par les sous-traitants de rang 1.
🎯 We Network, centre de ressources technologiques de l’électronique et de l’IoT, basé à Angers, accompagne ces industriels sur les sujets d’innovation en matière de process, de transformation digitale et de transition environnementale.
Également cluster de la filière, We Network a ainsi coordonné la présence d’un pavillon de l’électronique et du numérique sur le salon pour rendre visible l’ensemble de la chaîne de valeur.
🛠️ Euro-Process, sous-traitant en assemblage de cartes électroniques basé à Lannion et à Brest, incarne une PME solide du secteur : 57 salariés, 7 M€ de chiffre d’affaires, une double activité (production en série et prototypage rapide) et un rayonnement européen.
Une filière stratégique pour la souveraineté industrielle 🚀
Dans un contexte de tension géopolitique et de réindustrialisation européenne, l’électronique redevient une priorité nationale. Elle est la condition technique indispensable de toutes les transitions en cours : numérique, énergétique, environnementale, industrielle.
« Pas d’intelligence artificielle sans électronique. Le hardware reste le socle invisible de toutes les innovations logicielles » rappelle Laurent Aguenier.
La France a longtemps brillé dans le domaine. Dans les années 1980, elle figurait parmi les leaders mondiaux du secteur. Si la vague de délocalisation des années 2000 a fragilisé l’écosystème, de nombreuses entreprises françaises – notamment dans le Grand Ouest – ont su résister, pivoter ou renaître. Résultat : une capacité de production complète, du prototype à la série, est toujours active dans l’Hexagone.
« On retrouve aujourd’hui des acteurs qui font partie du top 10 ou du top 20 européen, voire mondial, avec des grands groupes, des ETI, des PME, mais aussi un écosystème d’écoles d’ingénieurs qui s’est structuré autour. »
Ce tissu industriel n’est donc pas une relique du passé, mais une filière dynamique, qui s’appuie sur des compétences techniques solides, une forte capacité d’innovation et une production compétitive
Des besoins en compétences à tous les niveaux de formation 📝
Le constat est clair : la filière électronique souffre d’un déficit d’image et de tension sur les compétences.
Nicolas Chupin : « Dans les écoles d’ingénieurs, les étudiants font à la fois du logiciel et du hardware. Mais c’est vrai qu’à un moment donné, le soft paraissait un peu plus attirant, tandis que le hardware a été quelque peu délaissé. Pourtant, il y a aujourd’hui une véritable ouverture pour les étudiants, car le hardware offre beaucoup d’opportunités. Il n’y a pas de logiciel embarqué sans carte électronique. »
Les formations existent, de tout niveau – du CAP à l’école d’ingénieur en passant par le bac pro et le BTS, mais les besoins sont importants et la concurrence entre les recruteurs peut être féroce.
« On parle beaucoup des ingénieurs, mais les entreprises ont des besoins à tous les niveaux : opérateurs, techniciens, conducteurs de ligne… Et sur ces profils, on constate de vraies tensions. » analyse Laurent Aguenier
« Dans notre métier, nous avons besoin de compétences côté conception hardware - des concepteurs de cartes, des routeurs, des gens qui font de la CAO, et de compétences côté production - opérateurs, techniciens pour la programmation, techniciens pour la conduite ou la maintenance de lignes automatisées. Ce sont des métiers techniques, concrets, avec de vraies perspectives, mais qui restent peu connus ou peu valorisés » explique Nicolas Chupin
Côté formation, le Grand Ouest dispose d’un maillage riche. Des écoles d’ingénieurs comme l’INSA à Rennes, l’ISEN à Brest, l’ENSSAT à Lannion, l’ESEO à Angers mais aussi les BTS Ciel forment les futurs talents.
Nicolas Chupin souligne que l’ETSI à Redon, un centre de formation du Bac à Bac+5, a donné du souffle sur des compétences liées plus spécifiquement à l’industrialisation, la conduite de ligne, la programmation et la maintenance machines.
Une tension sur certains métiers qui pousse les entreprises à former en interne 💼
Pour combler les besoins en compétences, les entreprises doivent souvent former en interne, parfois via plusieurs mois de formation, à l’instar d’Euro-Process.
« Nous consacrons plusieurs pourcents de notre volume horaire à la formation. Nous formons à la conduite de lignes automatisées, à la maintenance. Ce que nous aimerions, ce serait de pouvoir recruter des personnes déjà formées à ces savoir-faire techniques, pour gagner du temps et gagner en efficacité opérationnelle. »
Nicolas Chupin insiste également sur l’importance des métiers manuels, souvent oubliés : « Il y a des personnes qui aiment le travail de leurs mains. Nous avons besoin de profils avec ce sens du geste, ce rapport tactile au produit. Des gens minutieux, précis, attentifs… Ce sont des qualités précieuses dans notre métier. »
We Network, de son côté, développe des parcours sur-mesure pour former les professionnels en lien direct avec les besoins des industriels.
Tout comme l’ensemble de l’industrie, la filière électronique doit travailler son attractivité 📈
Le défi, aujourd’hui, est d’attirer suffisamment de jeunes vers ces métiers.
« Je pense que globalement l’industrie doit redorer son image en termes d’attractivité pour les plus jeunes qui entrent dans la vie active. » souligne Nicolas Chupin.
Les industriels participent activement à la revalorisation de la filière : visites d’usines pour les lycéens, accueil de BTS, IUT, écoles… « Et nos usines sont silencieuses, lumineuses. Les conditions de travail sont bonnes. Il faut le montrer. »
Laurent Aguenier ajoute : « On travaille beaucoup à donner de la visibilité à la filière. On intervient auprès des jeunes, pas seulement après le bac, mais dès le collège. Il faut montrer que ce sont des métiers utiles, concrets. »
Répondre aux besoins industriels, pas uniquement grand public 🏭
Si le consumer electronics est largement produit en Asie, l’électronique française trouve sa force dans les marchés stables à forte valeur ajoutée : défense, spatial, maritime, agriculture, santé, énergie.
« Nous intervenons sur des produits à durée de vie longue, nécessitant une maîtrise de la qualité, de la traçabilité et de la robustesse. C’est là que la filière française se distingue » précise Nicolas Chupin.
L’électronique industrielle est également stratégique pour les grands chantiers technologiques à venir comme l’électronique de puissance pour la mobilité électrique, ou encore l’écoconception des circuits imprimés.
Laurent Aguenier prend l’exemple de la mobilité électrique : « L’électronique de puissance est au cœur des transitions industrielles. Le secteur automobile bascule du thermique vers l’électrique. Cela absorbe énormément de ressources. Et en cascade, tout le monde est en tension car ils font appels à beaucoup de ressources. »
Des secteurs comme la défense ou l’aéronautique sont également très demandeurs. « Les ressources sont souvent les mêmes. On peut passer d’un secteur à l’autre. C’est pour cela qu’il faut rendre nos métiers visibles et attractifs. »
Réindustrialisation et souveraineté : la reconquête d’un savoir-faire 🛠️
La France a connu une érosion progressive de son savoir-faire en électronique, notamment dans les années 2000. Mais face aux enjeux géopolitiques et technologiques actuels, cette compétence stratégique doit être reconquise. « Il y a eu une perdition du savoir-faire français, mais il est essentiel aujourd’hui, pour des raisons de souveraineté, de renouer avec cette histoire industrielle », affirme Nicolas Chupin.
Et de rappeler, sans détour : « Il n’y a pas de souveraineté sans électronique hardware. C’est aussi simple que ça. »
« On a l’habitude de dire que la microélectronique est à Grenoble, l’assemblage de cartes est dans le Grand Ouest. Les deux sont complémentaires. On a besoin de travailler ensemble, avec les bureaux d’études, les fabricants de PCB, les EMS… » explique Laurent Aguenier.
Et même sur les PCB, dont la production est en grande partie délocalisée, il reste encore des acteurs français présents, à préserver.
Innover ensemble : la clé pour rester compétitif 🤝
We Network insiste sur la nécessité de penser la filière comme un ensemble interdépendant : fabricants de PCB, bureaux d’études, intégrateurs, EMS, plateformes technologiques, donneurs d’ordre…
« On ne réussira qu’en collaborant. Mutualiser les ressources, innover ensemble, structurer des projets collectifs : c’est ce que nous portons au quotidien. »
« Il y a des ruptures technologiques, par exemple sur les composants grand gap. Cela change les process, cela ouvre des places à prendre. Et pour y parvenir, il faut travailler ensemble. »
Laurent Aguenier insiste : « Nous menons des travaux concrets en collectif, sur l’électronique de puissance, sur l’écoconception, sur la transition digitale… C’est une filière en mutation, mais aussi en capacité de répondre à tous ces enjeux. »
Conclusion : une filière d’avenir, à faire connaître 👀
« On observe parfois que des jeunes ingénieurs ne savent même pas qu’il existe des industriels capables de fabriquer en France. Ils se tournent directement vers l’Asie. Pourtant, ici, on peut les accompagner dès la phase de cahier des charges, jusqu’à la série, et même au SAV, et pas seulement dans les secteurs du spatial, de la défense et de l’aéronautique » alerte Nicolas Chupin.
La filière électronique existe. Elle est complète, structurée, compétente. Elle n’attend qu’à être (re)découverte.
📌 À retenir
- La filière électronique française est toujours active, solide et pertinente, notamment dans le Grand Ouest.
- Elle représente un enjeu stratégique en matière de souveraineté, de transition numérique et de réindustrialisation.
- L’enjeu central aujourd’hui est la formation et l’attractivité des métiers, du Bac pro à l’ingénieur.
- L’électronique industrielle s’oriente vers des marchés à forte valeur ajoutée et des applications durables.
- Des structures comme We Network et des industriels comme Euro-Process démontrent qu’il est possible de concevoir, industrialiser et produire localement, dans des conditions compétitives.