Protocoles de communication pour l’IoT : de la RFID à la 5G
À distance
Depuis le début de l’année 2022, les annonces se succèdent concernant certains réseaux sans fil opérés en France. 2G, 3G, LoRaWAN Bouygues Telecom, Sigfox… Une situation qui conduit à un vrai casse-tête pour les entreprises qui gèrent une flotte IoT !
Où en est-on aujourd’hui ? Les entreprises qui possèdent une flotte d’objets connectés sont-elles dans une impasse ? Quels enjeux et quelles pistes s’offrent à elles ? Pour vous aider à prendre du recul , nous avons synthétisé les déclarations et articles de presse de ces 4 derniers mois. Nous vous livrons dans cet article notre analyse des enjeux et des pistes de réflexion pour résoudre ce casse-tête !
3 bonnes raisons de lire cet article :
∠ Une prise de recul vis-à-vis du bruit médiatique de ces dernières semaines autour des réseaux sans fils
∠ Une analyse issue de notre expertise en protocoles de communication
∠ Des pistes de réflexion si vous êtes concerné par la gestion d’une flotte IoT
À la demande de son Directeur Général, Sigfox et sa filiale Sigfox France, opérateur du réseau IoT en France, sont placés en redressement judiciaire depuis le 26 janvier 2022. À travers différents opérateurs, le réseau est présent dans 75 pays et remonte quotidiennement 80 millions de messages générés par 20 millions d’objets enregistrés.
L’entreprise indique dans son communiqué de presse que placer Sigfox sous la protection de la justice était nécessaire, malgré le soutien des actionnaires, en raison d’une adoption plus lente que prévue de sa technologie par les utilisateurs.
La marque Objenious de Bouygues Telecom annonce à ses clients l’arrêt du réseau LoRaWAN et de ses services associés à partir de décembre 2024.
Une annonce qui laisse les clients en phase de conception ou déploiement de nouveaux produits dans une grande incertitude et qui les oblige à trouver une solution alternative d’ici à peine 3 ans.
C’est au tour d’Orange d’annoncer, lors du Mobile World Congress, la planification de l’arrêt des réseaux 2G et 3G respectivement pour 2025 et 2028. Suite à cette annonce, le Directeur Général de Bouygues Telecom, Benoît Torloting, demande une concertation nationale sur l’arrêt de la 2G et 3G : « Nous adressons un appel à l’Arcep ou la DGE (Direction Générale des Entreprises) pour organiser le sujet »
Mais c’est plus particulièrement sa capacité à devenir « stand alone » entre 2023 et 2025 qui bouscule les annonces. En effet, à ce jour, la 5G est déployée à travers les cœurs de réseau 4G, notamment pour les usages IoT. Pour amorcer l’adoption de la 5G et maintenir la qualité de service pour les usagers mobiles, les opérateurs ont pour obligation de basculer l’ensemble de leurs sites en 4G d’ici à la fin de l’année 2022. Et cet objectif est presque atteint car, même dans les zones blanches où 2 500 nouveaux sites mobiles devaient être installés, seulement 15% du réseau reste à passer en 4G.
Ainsi, tous les appels et les services de messagerie opèreront à moyen terme sur les réseaux 4G et le réseau 2G pourra donc être démantelé. Les bandes de fréquences et les infrastructures existantes seront libérées pour installer de nouvelles stations de base.
A partir de 2023, l’infrastructure à cœur de réseau 5G pourra mettre fin à l’intérim du cœur de réseau 4G et accueillir les réseaux NB IoT et LTE-M. Alors, les opérateurs pourront implémenter des réseaux virtuels pour répondre à des besoins spécifiques de performance et QoS (déploiement IoT massif à proximité d’une station de base, connexions faible latence et haut débit, par exemple).
La véritable problématique du démantèlement de la 2G/3G se trouve dans les usages professionnels.
À ce jour, l’ARCEP référence 22 millions de terminaux pour le secteur professionnel. Et la plupart de ces terminaux sont en 2G/3G : machines de paiement par carte bancaire, capteurs de pression, ascenseurs, compteurs d’énergie ou de transport… Les usages sont encore importants.
Certaines machines équipées de carte SIM 2G/3G sont parfois soudées ou difficiles d’accès. Des commerçants finissent même par oublier qu’ils utilisent un service mobile lorsque le produit est commercialisé par le constructeur.
Rappelons également le cas spécifique eCall, le système d’appel d’urgence des voitures, devenu obligatoire en 2018 en Europe. Il permet à un véhicule accidenté d’appeler instantanément les secours via le réseau mobile grâce à… la 2G et la 3G. 15 millions de voitures sur 300 millions seraient concernées en Europe. Pour le moment, la solution serait de conserver la 2G lorsque la 3G s’arrête ou inversement.
Le démantèlement de la 2G/3G est en route mais induit des problématiques qui doivent être prises au cas par cas.
Si on se limite au marché français, opérer le réseau LoRaWAN a permis à Bouygues Telecom, tout comme à Orange, de ne pas laisser la place aux nouveaux entrants, comme Sigfox par exemple, et de fidéliser une clientèle de grands comptes. Encore tout récemment, en 2020, Renault a fait le choix de la technologie LoRa pour 2 usages en particuliers : la traçabilité des flux d’emballages et la gestion énergétique des sites industriels.
« En faisant le choix de la technologie LoRa, nous avons pour ambition d’en faire le standard international de notre programme Industrie 4.0 », résumait alors le groupe automobile.
Alors, pour quelles raisons Bouygues a-t-il décidé de fermer le réseau LoRaWan ? Comme nous l’évoquions en début d’article, à partir de 2023, l’infrastructure à cœur de réseau 5G pourra accueillir les réseaux NB IoT et LTE-M. Deux normes qui permettent de répondre à des besoins de performance et de QoS. Ainsi, grâce à la 5G, les opérateurs pourront répondre à la quasi-totalité des cas d’usages sur une infrastructure mutualisée. Cela participe à remettre en cause la viabilité des réseaux LoRaWAN du point de vue des opérateurs historiques.
Pour le moment, aucune annonce d’Orange n’a été faite concernant l’arrêt de leur réseau LoRaWAN. Mais il y a fort à parier que cela va dépendre du comportement des clients Bouygues Telecom actuels qui sont invités à migrer vers des solutions NB IoT ou LTE-M.
Selon l’ampleur de l’infrastructure déjà en place pour chacun des clients :
1/ Bouygues Telecom invite d’ores et déjà ses clients à migrer vers le NB IoT ou le LTE-M. Mais tout dépend de l’amortissement de l’infrastructure, du niveau d’énergie restant dans les dispositifs sur piles ainsi que la réactivité des fabricants d’objets connectés à basculer leurs designs (sans oublier les tensions sur les approvisionnements)… A termes, il restera tout de même à migrer l’ensemble des flottes d’un réseau à un autre.
2/ Une autre solution est d’opérer un réseau privé LoRa en reprenant l’architecture matérielle de Bouygues Telecom et en s’appuyant sur des acteurs en capacité de le faire.
3/ Enfin, l’ultime solution est de rester sur un réseau LoRaWAN public en changeant d’opérateur, solution qui n’est pas exempte de difficultés techniques.
C’est ce que préconise Olivier Beaujard, membre du conseil d’administration de l’Alliance LoRa et directeur de l’écosystème LoRa chez Semtech. Dans ce cas, aucun changement au niveau hardware, il faut réaliser une mise à jour logicielle pour reprogrammer les clés de sécurité qui permettent de s’authentifier sur le réseau. Puis, enfin, des tests d’authentification. Mais cela reste simple.
D’ailleurs, des acteurs de l’écosystème LoRa proposent déjà des documents et des tutoriaux techniques sur la procédure permettant de passer d’un réseau LoRaWAN public à un autre.
Néanmoins, ce scenario n’est pas sans défi technique : « Il faut décommissionner les capteurs pour les faire migrer sur un autre réseau, quand tous leurs messages seront acquittés. Le temps de la procédure, d’une dizaine d’heures à trois jours, les objets seront aveugles, ce qui peut être problématique selon les projets », indique Pierre Savary export sales manager chez le concepteur et fabricant français d’IoT nke Watteco.
Autre frein : la mise en place d’un plan d’action qualifié. « Rien de compliqué, il faut néanmoins travailler avec Orange pour définir comment basculer les abonnements et les objets. Pour le moment la procédure n’est pas encore très claire », remarque Olivier Guilbaud, chez Ineo-Sense, qui commence dès à présent à travailler sur le sujet avec l’opérateur.
Enfin, après cette décision d’Objenious, les clients « peuvent s’inquiéter qu’Orange arrête également son réseau LoRaWAN, même si rien ne le laisse présager », renchérit Pierre Savary. Comme le rappel Donna Moore, CEO et présidente de l’Alliance LoRa, Il y a tout de même 3,5 millions d’objets connectés au réseau LoRaWAN en France, et encore 1,5 million en cours de déploiement.
La situation va s’éclaircir pour Sigfox lorsque dans quelques mois, le nom du repreneur sera connu. Ils étaient neuf sur la liste et ne sont plus que six à ce stade de la procédure. Il y aura une continuité de l’activité pendant les six mois d’observation et les services seront maintenus car Sigfox .
En effet, même si le réseau est propriétaire, il ne s’agit pas d’une seule entreprise ! Tout le business model est décentralisé. Sigfox gère le protocole radio et le back-end mais le réseau est divisé dans les 75 pays couverts par les Sigfox opérateurs. Des opérateurs indépendants et propriétaires de leurs réseaux.
« On parle beaucoup dans les médias des quelque 300 millions d’euros investis par Sigfox, mais les opérateurs ont aussi investi dans l’infrastructure. Et dans le cas où Sigfox France s’arrêterait, les Sigfox opérateurs ont la possibilité technique de reprendre le réseau français. Nous avons des clauses de continuité de services avec Sigfox qui nous permettent de récupérer les messages du réseau et de les envoyer à n’importe quel back-end si Sigfox décidait de ne plus proposer ce service. Nous et nos clients sommes donc protégés. Nous attendons juste de savoir qui va être le repreneur » comme le rappel Henri BONG, CEO d’Unabiz (l’un des plus importants clients de Sigfox en termes de volume).
5 000 clients sont d’ores et déjà engagés sur le déploiement de près de 50 millions d’objets connectés.
Selon nous, Sigfox reste une technologie très frugale et qui a fait ses preuves. Le coût matériel est très réduit, ce qui permet d’optimiser le coût de revient global du hardware.
Pour les clients actuels de réseaux sans fil Sigfox, LoRaWAN, 2G ou 3G, le temps est donc à l’analyse. Les scénarios doivent être construits en fonction de l’ampleur du parc déployé, de son accessibilité, de sa vétusté, et des roadmaps de déploiement à venir.
Quand l’investissement est possible, il est souvent conseillé de doubler les protocoles dans les dispositifs déployés. Encore faut-il pouvoir choisir les bons…